Les effets de la méditation de pleine conscience sur la santé, le corps, le cerveau et la durée de vie

D’une voix monocorde, le coach entame sa leçon de méditation. « Laissez filer vos pensées. Ne tentez pas de les retenir. Observez ce qui se passe en vous. Sans jugement. » J’essaie depuis une demi heure mais je n’arrive pas à chasser une pensée qui revient comme une mouche s’interposer entre moi et le nirvana : qu’est ce que je fais là ?

Je suis assis en tailleur sur un coussin, les yeux mi-clos et je m’efforce de me concentrer sur ma respiration, puis sur mes sensations corporelles même si ces dernières ont tendance à irradier en fourmillements dans ma jambe gauche, puis dans la droite et dans le dos. Je finis par apprivoiser un peu « les chevaux indisciplinés du mental », comme disent les sages zen. En dérive, quand on laisse son bateau aller au gré des vents, j’essaie d’entrer en relation avec l’instant présent. Et mon esprit, curieusement, parvient à se calmer. Je me sens apaisé. Pas longtemps, car j’ai soudain cette illumination : je ferais bien de me mettre à la méditation. Si j’en crois les dernières découvertes en neurosciences, ses adeptes ont, sur moi, un avantage certain : ils vont probablement me survivre de quelques années grâce à un système immunitaire plus fort, une meilleure gestion du stress et un vieillissement cellulaire ralenti. Ils seront aussi plus sereins, se connaitront mieux et leurs relations avec les autres en seront améliorées. Bref, ils seront en meilleure santé et sans doute plus heureux.

« Les bienfaits de la méditation ne sont pas réservés aux initiés. L’idée n’est pas de souffrir le martyre deux heures par jour en position du lotus, mais de s’octroyer régulièrement, dans la posture que l’on peut tenir, un quart d’heure de sérénité. Méditer revient à offrir à son esprit les soins que l’on prodigue d’habitude à son corps : une douche pour le purifier, un peu de gym pour l’entretenir, un massage pour le relaxer… » Christian Gicquel.

J’ai souvent médité sur le temps, en me demandant pourquoi les années passent si vite mais je n’avais jamais vraiment pratiqué la méditation. J’étais plutôt circonspect devant l’enthousiasme des people : Gwyneth Paltrow, Yannick Noah, Clint Eastwood, Jennifer Aniston, Richard Gere, David Lynch et j’en passe, qui déclinent ses bienfaits à longueur d’interviews. Intrigué, quand même, par l’ampleur du phénomène : 20 millions de pratiquants aux Etats-Unis selon USA Today. Deux fois plus qu’il y a 10 ans. 20 à 30% d’adeptes supplémentaires chaque année, en France, depuis 5 ans dont 60% de femmes selon l’association ADM. Étonné, surtout par l’intérêt croissant des scientifiques et des médecins pour une de ses versions, la mindfulness ou « pleine conscience », une méditation laïque qui est en train de conquérir le monde.

Les effets de la méditation de pleine conscience sur la santé, le corps, le cerveau et la durée de vie

Du mal de dos au mal de vivre

Depuis deux mille six cents ans, la pleine conscience est décrite par les bouddhistes comme la voie directe pour dissiper souffrances et insatisfactions. A la fin des années 1960, Jon Kabat-Zinn étudie le zen auprès d’un maitre coréen, Seung Sahn. Convaincu de l’efficacité de ces pratiques, il cherche à les rendre « acceptables » par l’Occident. La solution : supprimer l’aspect religieux et l’intégrer à un protocole de soins rigoureux. Docteur en biologie moléculaire et diplômé du prestigieux MIT, il met au point sa méthode, la mindfulness, en s’inspirant du zen, du yoga et du vipassana (« comprendre la vraie nature de la réalité » en sanscrit), pour lutter contre les états anxieux, les douleurs chroniques et les émotions destructrices associées aux maladies cardio-vasculaires, au sida et au cancer. Baptisée MBSR pour Mindfulness-Based Stress Reduction (« réduction du stress basé sur la pleine conscience »), la technique s’avère si efficace que sa prescription s’étend au traitement des chocs postopératoires, du syndrome post-traumatique et de l’hyperactivité des enfants. Ce n‘est pas surprenant : 60% des visites chez le médecin sont liées au stress. La méditation est bientôt prescrite contre les phobies, l’insomnie, les maux de tête, le mal de dos et, plus généralement, le mal de vivre. Avec d’autres techniques proches, comme la MBCT – Mindfuness-Based Cognitive Therapy – développée à Toronto par le docteur Zindel Segal, on réussit à réduire de 50% les risques de rechute dans la dépression chez les patients ayant subi au moins deux épisodes pathologiques.

« Le succès de la pleine conscience s’explique par son efficacité thérapeutique, mais aussi par l’approche adoptée pour l’enseigner : on l’associe à une écoute profonde et chaleureuse des patients, bien trop rare dans nos centres médicaux surchargés. » Jon Kabat-Zinn

les effets de la médiation de plein conscience sur le stress, l'anxiété, les troubles cardio vasculaires, la santé et le vieillissement

Antidote contre un monde trop pressé ou besoin de spiritualité, la pratique a, en tous cas, conquis l’Amérique. Employée dans 250 hôpitaux et cliniques, elle est enseignée dans certaines écoles, dans les universités de Yale et Columbia, Harvard et même à l’académie militaire de West Point où on l’a rebaptisée « la voie du samouraï ». Il existe aussi des programmes pour couples, pour futures mères. D’autres enseignent l’art de « manger en pleine conscience » pour garder la ligne et on la prescrit parfois pour remplacer le Viagra. Des prisons la proposent aux détenus et aux gardiens, et on trouve des salles de méditation dans les aéroports, à côté des chapelles et des aitres de wifi.

Le plus étonnant est qu’elle séduit le monde du business. Cadres sur actifs, ingénieurs, traders, avocats participent à des retraites pour réduire leur stress et insuffler de la conscience dans leur travail et dans leur vie. Chez Yahoo, IBM, Cisco, Hugues Aircraft, on démarre désormais la journée assis en tailleur sur son zafu. Chez Apple, les employés du siège du Cupertino disposent d’une salle de méditation où ils peuvent se rendre une demie heure par jour, encouragés par la direction. Même rituel chez Google : depuis 2007, on y organise des séminaires « Cherchez en vous-mêmes ».

« La technologie nous conduit à réagir de plus en plus vite », dit Chade-Meng Tan, l’initiateur du programme pour Google. « Nous devons nous adapter aux nouvelles façons de travailler et la méditation est la voie idéale. Nous avons ici des ingénieurs au QI très élevé. Ils ne se laissent pas bluffer. Quand vous leur parlez des bienfaits de la méditation, ils répondent « prouvez-le » Mais une fois qu’ils pratiquent, beaucoup deviennent accros. La méditation leur donne une clarté et un calme étonnants, vu le niveau de tension et d’anxiété de ce genre de travail. Ils se trouvent plus en forme, moins sensibles à la pression, plus aptes à se concentrer et à écouter. Ils changent jusqu’à leur façon de répondre aux e-mails, en tenant compte de l’impact de leurs messages sur autrui. »

les effets de la médiation de plein conscience sur le stress, l'anxiété, les troubles cardio vasculaires, la santé et le vieillissement

Une modification de la structure du cerveau

Aurait-on enfin découvert la méthode idéale pour mieux vivre avec soi et les autres et en meilleure santé ? « Peut-être. Nos recherches ont montré que huit semaines de méditation en pleine conscience, à raison de trente minutes par jour, suffisent pour que le cerveau mette en place des mécanismes réparateurs et préventifs qui font baisser la tension artérielle et chuter le stress. Mais pas seulement. Une étude montre qu’elle renforce l’action de la lampe à ultra-violets sur le psoriasis ; ceux qui méditent pendant les séances guérissent quatre fois plus vite que les autres. Une autre étude a été menée sur des patients qui risquent une attaque cérébrale parce que leurs artères sont remplies d’athéromes. Les plaques de cholestérol ont commencé à fondre après six mois de méditation : celle-ci réduit la sécrétion de cortisol et d’adrénaline, responsables de l’accumulation d’athéromes. Une autre étude montre que les femmes qui méditent ont des niveaux plus élevés de cellules immunitaires contre les tumeurs du sein. » Jon Kabat-Zinn

Plus de 600 études scientifiques valident les effets de la méditation sur la santé.

A Berkeley, Princeton ou Harvard, les neurobiologistes ont lancé des recherches, d’abord sur les cerveaux surentrainés de moines et de lamas bouddhistes puis sur des novices. Les résultats sont si époustouflants qu’on commence à parler de « neurosciences contemplatives ». Une étude de l’Hôpital général du Massachusetts a démontré que la matière grise de 20 personnes méditant 40 minutes par jour était plus épaisse de 5% que celle de non méditants.

Conclusion – prudente – des chercheurs : la méditation pourrait ralentir l’amincissement qui se produit naturellement avec l’âge de cette fine zone corticale abritant la prise de décision, l’attention et la mémoire. Cette étude a été réalisée sur des quidams de la région de Boston, « une démonstration qu’il n’est nul besoin de méditer toute la journée pour modifier la structure même de son cerveau ». En un mot, comme en mille, prendre le temps, dans nos vies surbookées, de vivre l’instant présent en pleine conscience semble être une activité plus que salutaire.

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La pleine conscience, un outil pour les psys

En quelques années, la méditation a pris une ampleur impressionnante dans le champ psy. Qu’il s’agisse de thérapeutes hospitaliers ou libéraux, on ne comte plus les praticiens qui en ont fait leur outil numéro 1 contre les troubles courants : anxiété, hyperactivité émotionnelle, état de stress permanent, burn-out, dépression. Pour ces psys d’avant-garde, on dit moins « méditation » que mindfulness, la « pleine conscience ». Ce changement sémantique compte : il signale que les anciennes techniques religieuses de méditation ont basculé dans le domaine laïque et scientifique. Les psys eux-mêmes ont été les premiers surpris par l’efficacité de cette pleine conscience.

« On constate une amélioration très rapide après deux ou trois séances seulement. Cette approche a montré son efficacité dans des situations mettant souvent les thérapeutes en échec, notamment dans la prévention des rechutes chez les patients dépressifs. A Sainte-Anne, dans les trois ans qui suivent, nous réduisons de moitié la fréquence de rechute. Zindel Segal a obtenu un taux de réussite de 80%. Sans antidépresseurs !  » Christophe André

Le psychiatre souligne cependant qu’en cas de dépression sévère, les antidépresseurs restent indispensables. « Mais même dans ces cas là, en associant la méditation au traitement, celui-ci peut être fortement allégé, ce qui est déjà fascinant. »

L’apprentissage de la pleine conscience occupe désormais les deux tiers de la pratique de Jeanne Siaud-Facchin. « J’ai basculé quand j’ai réalisé à quel point cette méthode avait des effets rapides et surtout durables sur des personnes enlisées dans leur syndrome d’anxiété, leurs difficultés conjugales ou parentales, leur manque de confiance ou leur incapacité à communiquer. Ce qui m’étonne le plus, c’est l’irréversibilité du processus : c’est comme pour le vélo, ça ne s’oublie pas ! Bien sûr, ça sera plus fort si vous méditez une demi-heure par jour. Mais, après avoir animé des dizaines de stages, je reste sidérée par la transformation de fond de mes patients, après seulement huit séances de deux heures. » Le processus du base prévoit en effet huit rendez-vous hebdomadaires de deux heures pendant lesquelles les participants effectuent une demi-heure de méditation, assise ou couchée, qu’ils doivent ensuite pratiquer tous les jours chez eux. Le but : apprendre à mieux faire fonctionner leurs processus mentaux.

« Au lieu de ruminer ce qui est arrivé hier ou de s’angoisser sur demain, il s’agit de trouver comment s’ancrer dans l’instant présent. Pour cela, vous êtes invité à prêter attention à vos gestes quotidiens : manger, marcher, se brosser les dents, écouter de la musique, etc. On vous conseille aussi de profiter des temps d’attente ou de transport pour vous recentrer sur votre respiration et vos sensations physiques, ou d’accepter d’éprouver des émotions désagréables, plutôt que de vouloir à tout prix les éviter. » C. André.

Point surprenant mais crucial qui, pour le psychiatre de Sainte-Anne, marque la différence entre méditer et se relaxer : « On ne cherche pas à écarter des émotions douloureuses, mais à les accepter, sans les amplifier. On apprend à identifier la source des pensées négatives et ainsi à éviter de les laisser dégénérer en cycles de rumination. » Ce que Jeanne Siaud-Facchin explique ainsi : « Méditer nous apprend à ne pas refouler nos émotions, ni à culpabiliser sur celles qui sont tristes ou agressives, mais à les observer avec tolérance, en cessant de fusionner avec elles. De même que le méditant réussit peu à peu à regarder passer les pensées qui l’habitent, il est découvre qu’il est manipulé de l’intérieur par ses émotions qui lui mangent une énorme énergie. Cette prise de conscience dégage, au centre de la personne, un espace de liberté inespéré, comme une île calme au milieu de la tempête. Une île qui peut devenir de plus en plus grande, en incroyablement peu de temps. »

les effets de la médiation de plein conscience sur le stress, l'anxiété, les troubles cardio vasculaires, la santé et le vieillissementConseils pratiques pour se mettre à la pleine conscience dès aujourd’hui

Qu’est ce que la méditation ? La méditation consiste d’abord à se poser un instant en silence, attentif à sa respiration, pour laisser le jeu fou qui nous habite se calmer un peu. Les Orientaux parlent d’une montagne environnée de nuages (nos préoccupations), qui peuvent être dispersés par le vent (notre respiration), ouvrant sur le ciel bleu (notre conscience claire).

 • Quelle posture adopter ? La posture la plus connue est celle du zazen japonais. Dos et nuque droits, colonne vertébrale déployée, reins cambrés, épaules détendues, jambes si possible croisées en demi lotus (un pied sur la cuisse opposée, l’autre en dessous), la main gauche dans la main droite, les pouces se touchant, horizontaux. On est assis sur un coussin (le zafu). Mais on peut aussi méditer sur une chaise, à condition de ne pas s’appuyer sur le dossier pour avoir le dos droit et de mettre ses pieds bien à plat et parallèles. Cela dit, on peut méditer en toutes circonstances. En marchant dans la nature, par exemple. Il y a d’ailleurs dans le zen une marche méditative, rythmée par la respiration consciente : lente, on fait un pas à la fin du plus long expir possible ; rapide, on est simplement attentif au va et vient de son inspiration et de son expiration.

Yeux ouverts ou fermés ? On a tendance à méditer les yeux fermés, on se retrouve ainsi mieux en soi-même. Mais la sarabande des images mentales se projette alors davantage sur notre écran intérieur. C’est pourquoi a posture idéale est celle des yeux mi-clos : le regard se diffuse à la fois au dehors et au dedans. De ce double rapport émerge une quiétude particulière.

 • Comment respirer ? Le vrai maître de la méditation, c’est la respiration. Dès qu’on part dans ses pensées, on perd la conscience de sa respiration. D’où l’importance de l’attention portée à l’expiration profonde, inhabituelle dans nos cultures occidentales, qui doit rentrer dans l’abdomen jusqu’à cette zone considérée comme centre énergétique de l’être, appelée « hara » au Japon. Ensuite, l’inspiration vient d’elle-même. Dès que vous reprenez conscience de votre respiration, vous revenez à la conscience tout court et cela apaise votre mental.

 • Combien de temps faut-il consacrer ? Cela peut aller de 5 minutes à une demi heure. Certains instructeurs préconisent de minuter précisément son temps de méditation à l’aide d’un réveil ou d’un bâton d’encens et de s’y tenir.

Le matin ou le soir ? C’est quand on veut. Personnellement, j’aime m’asseoir le matin, même brièvement. Cela m’évite de me lancer de façon précipitée dans mes activités. Par contre, la régularité est souhaitée : un peu tous les jours vaut mieux que beaucoup de temps en temps.

Comment discipliner son mental ? Curieusement, pour discipliner votre mental, il faut le laisser faire, tout en l’observant. On devient ainsi non plus acteur, mais spectateur de son univers mental. Tout se joue là. Cette mise à distance nous fait lâcher nos conditionnements. Pour les esprits trop agités, certains instructeurs préconisent des visualisations (le visage d’un sage, la pleine lune se reflétant dans l’eau, un paysage) ou bien la contemplation de la flamme d’une bougie ou d’une roue symbolique (un mandala).

Pratiquer seul ou en groupe ? Les deux. On dit que la méditation est à la fois solitaire et solidaire. On est relié à soi, mais aussi au tout. On ne médite pas pour nombriliser, mais pour s’ouvrir au monde. Il est donc bon de pratiquer de temps à autre avec des amis, en suivant les conseils de quelqu’un d’avisé, qui ne prend pas pour un messie.

Faut-il méditer en silence ? Le silence est si rare qu’il ne faut pas en avoir peur mais l’apprivoiser. Découvrir la présence puis l’immensité de notre silence intérieur est une expérience très ressourçante. Certains instructeurs distillent et commentent des maximes de sagesse durant les méditations de groupe qu’ils dirigent, pour conforter le recueillement. Et la grande mode aujourd’hui consiste à se faire aider chez soi par des CD de méditation. Pourquoi pas ? Tout est bon pour avancer sur la voie de l’éveil.

Ai-je besoin de méditer ? La méditation est bénéfique pour tout le monde. Mais elle est spécialement conseillée quand on se trouve dans au moins trois des situations suivantes :

  • Il m’arrive d’éprouver une émotion et de ne m’en rendre compte que plus tard ;
  • Je casse et renverse des choses par inattention ;
  • J’ai du mal à rester concentré plus de quelques minutes ;
  • J’ai tendance à marcher vite vers mon but, sans prêter attention à ce qui se passe ;
  • J’oublie presque toujours le prénom des gens la première fois qu’on me les dit ;
  • J’agis toujours vite, mais comme en pilotage automatique ;
  • Je grignote facilement, sans vraiment goûter ce que je suis en train de manger.

Une durée de vie prolongée ? Le projet Shamatha, l’étude la plus importante jamais réalisée à ce jour sur la méditation (elle réunit 30 chercheurs du monde entier, dont la biologiste Elizabeth Blackburn, prix Nobel de médecin), suggère que, grâce à son action sur les télomères, la méditation pourrait prolonger la durée de vie des pratiquants réguliers. Télomères ? Ces capsules, qui coiffent nos chromosomes, sont les horloges de notre durée de vie. Chaque fois qu’une cellule se divise, ses télomères raccourcissent et, à partir d’une certaine limite, les cellules ne peuvent plus se dupliquer et meurent. A moins qu’une enzyme, la télomérase, ne les reconstitue, atténuant ainsi (voire interrompant ?) le processus de vieillissement. En augmentant le taux de télomérase dans le sang, la méditation semble jouer ce rôle, selon les chercheurs de l’université de Davis, qui dirigent l’étude.

Interviews

 • Sophie, débutante en méditation de pleine conscience

« J’ai deux ados que j’adore et qui me rendent régulièrement hystérique ; un amoureux, leur père, dont je me demande cycliquement si c’est bien l’homme de ma vie ; une famille nombreuse ; des amies précieuses et la Grimbergen, mon péché mignon. Je ne suis ni mystique, ni végétarienne, ni bonze, ni zen, ni chauve, ni sage. Ce à quoi je rattachais, jusque là, toute forme de méditation. Mais, depuis quelque temps, ça cloche. Je suis en permanence dans le « j’aurais du faire » et l’appréhension de ne pas réussir à faire. Je cours mais ne parcours aucune distance, je ressasse, je m’obstine à vouloir des choses différentes de ce qu’elles sont, je m’épuise, je pleure. Je ne vais pas bien. La dernière fois que j’ai franchi la porte de son cabinet, Yasmine m’a dit « Vous voulez faire une tarte aux fraises, mais vous n’avez que du chocolat. Alors faites un bon gâteau au chocolat et goutez-le pleinement. » Je me suis inscrite à son séminaire de méditation de pleine conscience. Deux heures par semaine, pendant huit semaines. J’ai appris « ici » et « maintenant ». C’est simple et complexe. C’est prendre mon petit-déjeuner en me concentrant sur ce que je bois et mange : la couleur, la texture, le goût, etc. Ramener avec bienveillance mon esprit qui part ailleurs. Consacrer dix minutes par jour au moment présent, assise sur une chaise ou en tailleur, droite, fière et me réserver cet instant unique. Le stage est terminé, je suis débutante et pas encore assidue. J’utilise des exercices de méditation guidés par la voix. Le plus dur est de trouver dix minutes. Ce devrait être rien et c’est énorme. Pourtant, j’aime ces instants. J’apprends à accepter les choses telles qu’elles sont. C’est un gros progrès. »

• Federico, moine bouddhiste zen

« Chaque matin depuis seize ans, au lever du soleil, je fais deux méditations de 40 minutes, entrecoupées d’une marche méditative de dix minutes. Cette pratique, au cœur du bouddhisme zen, m’a apporté une paix intérieure que j’essaie de transmettre. Docteur en philosophie et en sciences humaines, moine bénédictin pendant dix ans, puis époux, père de famille et moine bouddhiste, j’ai été chef d’entreprise, co-directeur d’un groupe d’agences immobilières. En dehors de mes activités monastiques, j’enseigne la méditation en entreprise. La méditation comble les carences de notre société. Carence de calme, carence de lenteur, carence de continuité (on est régulièrement interrompus), carence de sens (nous sommes de plus en plus individualistes et matérialistes). Elle ne consiste pas à faire le vide, comme on le croit. Au contraire, elle emplit. En prenant le temps de respirer, elle invite à plonger au plus profond de soi, pour mieux se comprendre et donc mieux comprendre l’autre. Pour y parvenir, la psychanalyse requiert des mots : nous sommes des « parlêtres » disait Lacan. La méditation ne nie pas cet état, mais nous invite à le vivre grâce à un exercice spirituel et existentiel qui consiste à faire l’expérience de notre propre existence. »

David Lynch et la méditation de pleine conscience, qui a sauvé sa vie• David Lynch

David Lynch médite deux fois vingt minutes par jour depuis 1973, soit deux ans avant le tournage d’ « Eraserhead », son premier long métrage. Cette pratique, dit-il, a changé sa vie.  » Dès ma première méditation, j’ai eu l’impression de tomber en chute libre au fon de moi-même et une joie indicible m’a envahi. En quelques semaines, je me suis transformé. J’ai commencé à comprendre cette phrase mystérieuse « Le bonheur n’est pas au-dehors mais au-dedans de soi ». Progressivement, la colère, l’anxiété, les peurs qui m’habitaient se sont estompées, ce fut une bénédiction. » Il est adepte de la méditation transcendantale de Maharishi Mahesh Yogi, le gourou que les Beatles rendirent célèbre en 1967 et qui a dirigé une organisation mondiale jusqu’à sa mort, en 2008. Sa passion, David Lynch a décidé de la communiqué à un maximum de jeunes. La « Fondation David Lynch pour une éducation fondée sur la conscience et la paix dans le monde » a dépensé des millions de dollars pour enseigner la médiation dans les écoles. « J’ai vu, assure-t-il, des écoles pourries connaître un changement à 180 degrés grâce à la méditation. Il ne s’agit pas d’un remède de surface : les jeunes qui méditent, ne serait-ce qu’une fois par semaine, apprennent à plonger ne eux-mêmes et une vraie force s’anime en eux. Pareil pour les profs. Quand nous aurons appris cela à un millions de gamins, l’effet sera énorme. »

• Fabienne Verdier, peintre et calligraphe

« J’ai toujours été intéressée par un cercle tracé d’un seul mouvement par les grands maitres chan. Ils méditaient sur cette figure comme trace ultime de la réalisation de soi. J’ai eu envie de vivre l’expérience moi-même. Un doute me taraudait, suis-je prête pour un tel exercice ? Ne vais-je pas tomber dans un langage trop extrême-oriental, moi qui aspire de tout mon être à transmettre l’essence d’une réalité universelle ? Cette mystérieuse figure du cercle habitait pourtant sans cesse mon esprit, la forme la plus métaphysique qui soit, sans début ni fin. Elle génère une plénitude active qui m’attire comme un aimant. Un matin, parcourant du regard la retenue d’eau à droite de la porte d’entrée de l’atelier, que vois-je ? Un têtard sautant dans l’eau, le clapotis de son plongeon a engendré une onde, un cercle parfait. La beauté de la chose m’a stupéfiée. Par l’éveil à la vie qui se dégageait de la scène. Le sourire au cœur, je me suis mise à broyer mon encre et à entrer en ascèse de peinture. »

Fabienne Verdier et ses peintures de cercles représentant l'infini de la vie, pleine conscience, méditation

 • André Comte-Sponville, philosophe et pratiquant en médiation zazen

Depuis combien de temps méditez-vous ? Six ou sept ans. J’ai commencé au centre Dürckheim, à Mirmande, dans la Drôme, chez mon ami jacques Castermane. Il m’invitait régulièrement à donner des conférences de philosophie. Mais son « cœur de métier » c’est la méditation assise, silencieuse et sans objet – dans la tradition zazen, comme on dit en japonais (ce qui signifie simplement le zen assis), mais quelque peu occidentalisée. À force d’entendre Jacques en parler, j’ai eu envie d’essayer.

Pratiquez-vous chaque jour ? Et où ? La question du lieu commande, pour moi, celle du rythme. À Paris je manque de temps et d’espace, sans doute aussi de disponibilité, de calme, de solitude… Bref, j’ai pris l’habitude de ne méditer que dans ma résidence secondaire, en Normandie. J’y passe quatre à cinq mois par an et, là-bas, je fais zazen tous les matins. Dans l’enthousiasme du néophyte, j’avais commencé par des séances de 25 minutes, une durée idéale. Mais cela fait 25 minutes de moins consacrées à l’écriture, aux heures, pour moi, les plus efficaces, les plus rares, celles du début de matinée. J’ai sensiblement réduit : mon minuteur est fixé à 12 minutes et trente secondes.

André comte sponville et la méditation de pleine conscience

Que vous a apporté la méditation ? C’est difficile à dire. Le plus précieux est la méditation elle-même. Tant qu’on en attend quelque chose d’autre (la sérénité, la santé, la sagesse, l’illumination, etc.) on est à côté de la plaque : on n’est plus dans l’attention mais dans l’attente. Méditer, c’est d’abord s‘offrir quelques minutes de présent pur et donc d’éternité, puisque le présent ne cesse jamais d’être présent. Cela, que la philosophie m’avait aidé à comprendre, la méditation l’a rendu plus vivant, plus incarné. Elle m’a aussi rendu plus sensible au corps que je suis (et non au corps que j’ai), à sa posture, à sa respiration, à ses sensations. Méditer, c’est faire en soi une espèce de vide qui ne serait rempli, dans les meilleurs moments, que par le corps et le monde. Spirituellement, ça fait du bien. Physiquement aussi : je n’ai plus que très rarement mal au dos.

Comment avez-vous intégré cette pratique à vos réflexions ? La méditation a rendu plus concrets des thèmes qui étaient déjà les miens : l’idée que seul le présent existe, qu’il n’y a pas d’autre esprit que le corps vivant, pas d’autre réalité que le monde, d’autre éternité que le devenir, d’autre liberté que la nécessité en acte… Mais d’autres philosophes en tireront d’autres leçons. La méditation n’est pas une doctrine et c’est tant mieux. Méditer et philosopher sont deux pratiques à peu près opposées. La philosophe est u pratique intellectuelle, conceptuelle ; la méditation une pratique corporelle, physique. La philosophie cherche la vérité ; la méditation ne cherche rien : elle observe, contemple. La philosophie est une réflexion (quand on cherche) ou une argumentation (quand on croit avoir trouvé) ; la méditation est une attention, une ouverture. La philosophie est un combat ; la méditation, une paix. La philosophie est un travail ; la méditation – c’est son paradoxe – est à la fois un exercice et un repos. Bref, philosopher et méditer sont deux activités différentes qu’il est d’ailleurs impossible de pratiquer en même temps. C’est pourquoi elles se complètent si bien.

Et quelle est la différence entre médiation et prière ? Là encore, ce sont deux activités très différentes. La prière, au sens traditionnel, se fait avec des mots, s’adresse à quelqu’un (celui qu’on prie) dont on espère quelque chose. La méditation ne s’adresse à personne, n’espère rien. Vous connaissez la formule de Simone Weil : « L’attention absolument pure est prière » Cela ne me paraît pas toujours vrai des prières traditionnelles, mais conviendrait à la méditation. Pour l’athée que je suis, c’est la « seule » prière qui vaille : celle qui ne demande rien à personne.