plongée sous-marine et personnes âgées : interdiction, autorisation, conseils et risques.

Les plongées à 55, 60, 70, 88… mètres ? Non, années ! C’est un fait, le nombre de Seniors en plongée augmente. Qui sont-ils ? Quelles différences entre un vieux plongeur et un plongeur vieux ? Attention, le chiffre peut sembler cruel mais c’est la règle : est senior tout plongeur de plus de 60 ans ! Certains disent même 55 ans… et le quatrième âge démarre à 80 ans. Il y a toute une génération de seniors qui arrive. Mathématiquement, les baby-boomers sont de venus des papy-boomers… Visibles car ils voyagent grâce à un pouvoir d’achat souvent important, leur nombre va continuer à croitre jusqu’en 2030. Puis ils vont régresser, en pourcentages et en nombre absolu. Enquête sur un phénomène émergent.

plongée sous-marine et personnes âgées : interdiction, autorisation, conseils et risques.

Il n’est que de bons vieux plongeurs !

Il y avait bien la célèbre Leni Riefenstahl qui plongeait à 98 ans aux Maldives, deux ans avant son décès. Et Albert Falco, le commandant de la Calypso, qui plongeait encore à plus de quatre-vingts ans ou encore Marcel Isy-Schawart, alerte plongeur nonagénaire, pour ne citer que quelques plongeurs fameux. Quant à Micheline, notre doyenne française de presque 90 ans, elle pourrait être la plongeuse licenciée la plus âgée d’Europe et notre mascotte.

Micheline, 89 ans, une duchesse

La femme qui est dans notre palanquée n’a plus vingt ans depuis longtemps (depuis 69 ans exactement), chanterait Serge Reggiani. Les yeux cernés d’un masque noir, les seins si lourds (ça sûrement pas), de trop d’amour (cela ne nous regarde pas !), toujours pas usée par trop de plongées. Si vous la rencontrez, gardez vos sarcasmes. Ne riez pas, admirez-la. Son enthousiasme nous rassure. Cette plongeuse là, c’est notre bien, notre richesse, notre perle, notre reine, notre duchesse…

89 ans ? Pardon ? – Oui, tu as bien entendu, elle a plongé avec nous hier sans problème et elle a 89 ans. 

Cela parait incroyable. Et voici qu’elle apparaît dans l’entrée de ce petit hôtel paumé à Madagascar, en robe chemise bleue, légèrement bronzée. Micheline. 1,60 mètres, 48 kilos et toute mouillée en sortie de plongée. Frêle dame élégante aux yeux bleus coquins, les cheveux blonds impeccablement brushés (par quel miracle ?) et, on le sens tout de suite, de bonne éducation. Elle est toujours ravie, très à son aise : « Ici, ce n’est pas le paradis, mais on s’en approche. » Souriante, voire rigolarde avec le punch d’un soir et avec ce rire perlé de dame cultivée.

Il faut dire que le couple adorable du centre de plongée Sakalav Diving a accepté tout de suite de la recevoir et deux années de suite. Nathalie « honorée et ravie de l’accompagner » la chouchoutait pour le plaisir, car Micheline est une plongeuse absolument comme les autres. Il faut cependant reconnaitre que la barge malgache était un peu haute pour remonter sur le bateau. Elle prenait donc « l’ascenseur local » c’est à dire que l’équipage la soulevait par les épaules avec enthousiasme. Pas assez prudente, mamie Mimi. La voyant en tongs, plutôt instables, tout le monde au club lui a fait promettre de mettre désormais de vraies chaussures.

Mimi plonge à 89 ans. Et alors ?

Mimi n’est jamais malade. Les médecins font faire régulièrement à cette octogénaire toute une batterie de tests et ne trouvent aucune contre-indication à la plongée. Micheline n’est pas un cas isolé, comme le prouvent ces témoignages. Elle reconnait qu’elle n’a commencé à se sentir vieillir que vers 76 ans.

Plonger me fatiguerait ? Ah non alors, ça me fait un bien fou !

Depuis 5 ans seulement, elle se limite à deux plongées par jour au lieu de trois et se ménage un jour de repos dans la semaine. Le plus remarquable est sa condition physique bien sûr (elle aurait 70 ou 75 ans), mais surtout son envie persistante de voyager, de braver l’anxiété et les incertitudes d’un très long voyage. Étonnante femme : partie de Concarneau un matin à 10 heures, il lui faudra prendre des trains, 3 avions, de longs transits, des bus, encore des trains, des taxis et des transferts, pour arriver, 30 heures plus tard, à l’hôtel familial Le Grand Bleu, sur l’île malgache. Seule, mais avec son gros sac de plongée. Affronter l’inconnu « à son âge »« maintenant », dit-elle plus élégamment – c’est un peu l’aventure tout de même. Téméraire, Micheline aime se lancer des défis. Elle fait 2 à 4 séjours de plongée par an, au bout du monde, en solitaire. Elle avait des amis plongeurs mais eux, à 70 ans, ils ont arrêté. Elle voyage donc maintenant seule : « En fait, ça me plait de voyager seule. Mais c’est tout de même difficile d’être seule tout le temps d’aller seule…au restaurant. » Total respect.

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Le déclic.

Micheline Laudet, née en Décembre 1929. Première plongée à 45 ans. Invitée avec son groupe de musique au Club Med du Mexique, elle fait, par hasard, son baptême de plongée et est « tout de suite emballée ». De retour à La Réunion, où elle vit, conquise, Micheline fait 2 plongées par semaine pendant 5 ans, progresse rapidement et découvre les plongées à moins 50 mètres.

J’aime les sensations, la découverte des abysses, les grandes profondeurs, me projeter dans l’espace marin, pour disparaître et me fondre, me dissoudre dans cet élément. On a la sensation de faire partie de l’univers. Mon rêve était de voler, en plongée, je peux voler et survoler les canyons. Et puis c’est une évasion, une passion qui se partage.

Passion envahissante qui précipitera son divorce. Elle commence son niveau 3 à La Réunion, à plus de 60 ans, sans le finaliser puisqu’elle pensait très vite arrêter la plongée. Et elle le regrette encore. Mais qui pouvait prévoir cette longévité sous-marine… C’était parti pour 15 séjours en mer Rouge « cette mer est si douce que je ne m’en lasse pas », les Maldives, les Comores, Mayotte, Maurice, pas les Seychelles – jugés trop snobs – la Sicile, le Yémen, des plongées à la sauvage, de nombreux séjours aux Antilles, le Cap vert à 86 ans. Micheline reconnait que les plongées étaient « assez sportives, à contre courant », Madagascar en 2016 et 2017, etc. À Cuba, toute sa palanquée descend un jour à 30 mètres, puis 40 mètres, puis 50 mètres, elle suit. Tous les plongeurs l’ont alors applaudie !

Digne à la ville, indigne à la mer.

À Concarneau où elle réside de puis 3 ans, le moniteur du club était méfiant au départ. Il a pensé à un caprice de vieille dame fragile, mais il a vite compris qui il avait affaire à un caractère bien trempé et non à une plongeuse d’opérette. Elle surprend son monde. On trouve qu’elle n’a pas la tête à ça. « On me prend pour une citadine fragile », dit-elle, dépitée. Son appétit de la vie fait qu’elle va au bout des choses. Micheline a toujours été sportive, certes. Elle a piloté des bolides, a flirté avec les avions, elle nage, joue à la pétanque, fait de la musique et donc à ski. Avec un ami de 86 ans, qui « commençait à faiblir », Micheline se cherche encore un sport supplémentaire.

La piscine, ça m’énerve. Les randonnées de vieux m’agacent et j’ai horreur des groupes, en plus

Pour ses 80 ans, sa famille lui a offert…un saut en parachute ! À peine rentrée de Madagascar, Micheline se demande où elle va repartir. Sachant que son planning est très chargé avec le ski, la plongée aux îles de Glénan et les compétitions de pétanque. Elle r^ve de plonger sur la barrière de corail australienne et, dit-elle « Vite, avant de prendre de l’âge ! À chaque voyage, je me dis que c’est la dernière fois. Cependant je le dis de moins en moins… Je pense, bien sûr, à la mort. Mais ça m’irait très bien de finir en mer. En tout cas, ça m’ennuierait de ne pas continuer ma belle vie. »

Son matos.

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« Ma combi de 3mm et ma souris sont aussi vieilles que moi » rigole-t-elle. Chaque année, elle hésite à changer son matériel, en raison de son grand âge. Dans son sac, un masque, des palmes, un ordinateur, de l’aspirine, un peu de maquillage, de quoi se faire son brushing discret, le soir. Toujours élégante, un maillot de bain choisi avec goût, 2 shorts bleus marines impeccables. Le centre de Sakalav, à Nosy Be, lui a offert un bandeau jaune pour retenir ses cheveux, elle le portera désormais dans l’eau.

7 questions au Dr Alain Gérard, médecin fédéral

• Qu’est ce qu’un plongeur senior ? Ça dépend du plongeur et il y en a 3 types. Celui qui a commencé jeune, très entrainé et qui continue à plonger sur le même rythme. Le retraité actif qui continue à plonger avec de l’entrainement. Et le vieux plongeur qui devient un plongeur vieux, c’est à dire physiologiquement dégradé et donc à dangers. En fait, c’est la notion « d’engagement » qui va définir ce qui est interdit. On ne peut pas définir d’âge précis, variable selon les individus. Il vaut mieux un « vieux » en pleine forme et qui a une bonne réponse au test d’effort, qu’un « jeune » gros et en moins bonne condition.

• Le Senior est-il un plongeur comme les autres ? Même en bonne santé, le plongeur senior est plus fragile à cause du vieillissement naturel du corps. Il ne faut pas ignorer que sa santé peut se dégrader plus rapidement qu’à 40 ans. À sa décharge, il est souvent prudent et expérimenté. Attention aux médicaments qui interfèrent : particulièrement les antihypertenseurs, fréquents dans cette population puisque 20% à 30% en prennent. Ne pas négliger les neuroleptiques (somnifères, anxiolytiques…) qui potentialisent la narcose (même à 30 mètres). De plus, le senior est souvent en surpoids. La seule règle est de parler avec son médecin et de parler de tout, sans mentir. Nous voyons de plus en plus d’accidents cardiaques et respiratoires, dus à un problème de santé et non à un accident de plongée. En fait, c’est un phénomène révélé par la plongée et qu’on méconnaissait auparavant. Avec l’âge, les sécrétions hormonales et le système cardio-vasculaire sont modifiés. Donc on supporte moins bien la déshydratation. Rappelons qu’on perd entre un demi et un litre d’eau en une heure de plongée. La pression sous l’eau impose des modifications physiologiques et donc une adaptation cardiaque, qui ordonne aux reins de lâcher de l’eau dans la vessie (ce qui entraine l’envie connue d’uriner). Les années altèrent de deux façons : le système est moins efficace pour se réguler et le coeur est moins efficient. Il y a alors un risque beaucoup plus important d’oedème du poumon. Pour ne rien vous cacher, tout le monde peut en faire en plongée mais le corps des plus jeunes résout le problème qui passe alors inaperçu. Cependant, cela peut aussi arriver à 50 ans. Le senior est juste plus proche d’avoir un problème qu’à 20 ans.

• Quels sont les signes précurseurs d’un oedème pulmonaire ? On tousse beaucoup, on s’étouffe, on salive beaucoup avec, parfois, un peu de sang. Il faut alors remonter.

• Faut-il plonger différemment ? Le senior doit faire beaucoup plus de tests avant de partir. Le mieux est de consulter son médecin traitant, connaissant de préférence la plongée, mais qui adressera éventuellement à un confrère plus spécialisé en médecine hyperbare s’il le juge nécessaire. Faire un bilan cardiaque tous les 2 ans, puis, éventuellement une épreuve d’efforts. Le système de décompression est conçu pour un homme jeune, mince et sportif ! Or le senior sort de ces normes. Il est vrai que maintenant tous les calculs ont été pondérés. Évitez les plongées avec paliers. Plongez au nitrox, car il y a moins d’azote et la désaturation est alors moins fatigante. Attention, avec l’ordinateur réglé sur « air à 21% ». C’est particulièrement conseillé pour la femme, qui a 15% de graisse alors que l’homme n’en a que 10%. Quant à l’obésité, c’est le brouillard absolu et on ne sait rien sur les conséquences médicales en plongée. Il n’est pas conseillé de dépasser les 30 mètres et encore moins les 50 mètres car les tissus désaturent moins efficacement. Mais, encore une fois, tout dépend de l’individu, de son engagement et des circonstances. Évitez les eaux inférieures à 15° à cause du système qui se régule moins bien. 1 à 2 plongées par jour maximum. Remontez lentement. Surtout boire beaucoup, particulièrement en pays tropical. Avoir envie d’uriner avant et pendant la plongée est un bon signal. Une mise à l’eau et une sortie adaptées : se méfier des remontées sur des échelles. Pas de saut droit, qui peut être trop violent. Il y a désormais des bateaux avec des ascenseurs et de plateformes. Pas de combinaison trop petite. Éviter le portage du matériel. En résumé, être raisonnable, bien s’écouter et ne pas forcer.

• Dans les clubs, faut-il faire des palanquées de seniors ? Bien sûr que non ! Il faut juste équilibrer les compétences. Le senior ne pose pas de problème, il est seulement plus fragile, avec des marges de sécurité moindres. Tout ce qui est vrai pour un plongeur l’est encore plus chez lui. Vous savez, les clubs apprécient les anciens car ils aiment être encadrés par des moniteurs et ça en fait de bons clients.

• 70 ou 80 ans marquent-ils une limite ? Non, il n’y a pas de chiffres précis. À voir selon chaque individu. C’est le médecin qui conseille et qui, éventuellement, prescrira des limitations.

• Peut-on faire plonger ses parents ? Évidemment que oui. Faire un baptême n’est pas plus dangereux à 70 ans qu’à 20 ans, puisque c’est très encadré.

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Le Johny palmé

À 76 ans, Johny Polfer est le moniteur en activité le plus âgé du Luxembourg et un des piliers de la plongée luxembourgeoise. Vice-président et trésorier (il fut fondé de pouvoir à la Communauté Européenne) de la FLASSA, Fédération luxembourgeoise des activités et sports subaquatiques. Ainsi que conseiller communal.

Au bistrot, quand j’ai parlé de mon prochain voyage lointain, ma femme m’a dit « Regarde un peu ton passeport pour te rappeler ton âge » – j’ai répondu que je préférais regarder la serveuse. Il plonge depuis 45 ans. 90 kilos pour 1,78 mètres. À la ville, en look tweed et pochette et en Fenzy rouge en plongée. Non, on exagère, car il a remplacé sa Fenzy (l’ancêtre de la stab portée autour du cou) depuis déjà…5 ans ! Un peu vexé quand même d’être connu comme le loup rouge pour cet équipement vintage, ainsi que du Johny bashing, il a opté maintenant pour un gilet. Johny encadre régulièrement pour des clubs de plongée. Depuis 10 ans, il ne va plus plonger en hiver au lac artificiel de la Haute-Sûre. Sinon, d’Avril à Octobre, rendez-vous systématique le vendredi soir à 19 heures pour plonger dans le lac (d’ailleurs, ce n’est que lorsqu’il a été achevé que la fédération a été créée, dans les années soixante). Sinon, le Johny palmeur fait 2 voyages par an à l’étranger, en Espagne avec 12 heures de bus ou en Egypte par exemple, en 2016. Avec 2 plongées par jour.

Maintenant je plonge plus en Méditerranée qu’en mer chaude, et si  ma femme, qui a dû arrêter la plongée, est d’accord… Mais oui, j’écoute beaucoup ses remarques. C’est normal, après 50 ans de mariage, mais beaucoup moins d’années de vie commune à cause de mes nombreux voyages de plongée ! En fait, je blague, car elle m’a toujours soutenu, surtout à une époque, dans les années soixante-dix, où les femmes plongeaient rarement.

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• Quand et comment avez-vous senti que vous vieillissiez ? Sous l’eau, je ne vois pas de différence. Sur l’eau… peut-être : quand je dois me relever avec la bouteille ! Dans la tête, je suis toujours pareil. Oui, je fais le saut droit et je ne rechigne pas à remonter à l’échelle. Mais comme toujours, je fais très attention à la sécurité. Je plonge toujours à l’air et je ne dépasse pas les 40, 45 mètres. Je n’aime pas la profondeur, en fait. J’évite ainsi de « tomber » dans les paliers. Il n’y a qu’aux Maldives qu’on m’a obligé à plonger au nitrox. Je n’aime pas, car ma femme m’a dit que ce n’est pas bon de respirer un air « artificiellement crée ». De toute façon, mon ordi qui a 20 ans n’est pas calibré pour ça. Il y a 3 ans, ma combi de 12 ans d’âge ayant « rétréci à l’eau chaude », j’ai accepté de la changer. Mais je garde toujours mes palmes Jetfin, très lourdes, depuis 30 ans, pour plonger en lac.

• Faites-vous du sport ? Je suis un ancien champion d’athlétisme. Entrainement deux fois par semaine en piscine, plus en lac en saison, plus 10 kilomètres de jogging (en courant un peu moins systématiquement qu’avant), dans la forêt, deux fois par semaine. La visite de santé annuelle se fait avec mon médecin habituel qui connait ma bonne condition physique et donc ne me fait pas faire tous les tests. Je ne prends aucun médicament et j’ai une bonne tension. Quand je vois des plongeurs de 90 ans ou plus, je me dis que j’ai tout l’avenir devant moi !

Une initiation inter-générationnelle

Le père, 79 ans ; le fils, 39 ans et le petit-fils, 9 ans.

• Ce fut facile de convaincre votre père ? Très facile car il venait nous voir pour la première fois en Polynésie. De plus, c’était moi l’encadrant et surtout, sa plus grande motivation était qu’il y avait aussi son petit-fils. Matériellement, je lui ai tout détaillé et il n’a pas eu de crainte. L’eau chaude et claire rendait les conditions particulièrement favorables.

• Comment ont réagi le club et les autres plongeurs ? Ça s’est fait de manière naturelle, dans mon club habituel et toutes les réactions ont été positives. Il faut dire que ce club est habitué à faire plonger toutes sortes de profils, de tous âges et niveaux. Un second moniteur encadrait mon fils, en parallèle.

• Des difficultés liées à l’âge ? Le souci majeur a été un mal de dos en immersion au bout de 15 minutes, dont je n’ai pas trouvé la cause. Soit la stab était trop serrée, soit, peut être, une position trop cambrée. Mon père n’avait jamais utilisé de palmes, puisqu’il nage la brasse mais pas le crawl. Je pense qu’il souhaitait se mettre en position naturelle horizontale et donc forçait sur le dos. À ma décharge, j’étais nouvellement moniteur, avec une expérience finalement limitée. Pas de souci de respiration ni d’équilibrage (à ma grande surprise), ni de vision. Le problème a tout de même été la remontée, sur le semi-rigide sans échelle.

• Comment convaincre nos lecteurs de baptiser leurs parents, c’est à dire des seniors ? Cela doit se faire sans contraintes, en profitant d’un partage familial, dans des conditions idéales (ne pas hésiter à annuler si besoin). Le but est de partager un moment agréable et de faire découvrir votre passion, mais surtout en n’oubliant pas que cela peut ne pas plaire (pour l’anecdote, je suis moniteur, mais ma fille de 9 ans refuse de respirer sur un détendeur).

• Des regrets ? J’en ai re-discuté avec mon père dernièrement : il dit regretter de ne pas avoir refait un second baptême pour être plus à l’aise et ainsi en profiter plus et « aller plus bas ».

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Maître Jean Yoda, 88 ans, 1,78 mètres, 67 kilos

Jean Boisot s’est mis à la plongée en 1960 vers 30 ans. Et comme il ne sait pas rester un « petit » plongeur sans passer le plus possible de diplômes, il est devenu moniteur BEES1 et formateur nitrox et apnée, au club de Puteaux, près de Paris.

• À quel âge avez-vous senti une différence dans vos activités ? Il y a eu un seuil à 75 – 80 ans. En ce moment, c’est un peu plus dur pour nager. Je m’entraine une à deux fois par semaine depuis toujours, mais mes performances en piscine ont baissé : je parcourais 1 kilomètre en PMT crawl en 15 minutes et depuis environ 3 ans, c’est 22 minutes. Sinon, rien n’a changé en plongée.

• Que pensez-vous des restrictions recommandées par les médecins ? Ça me fait doucement sourire. Je ne m’en occupe pas. Lors des tests à l’effort sur un vélo, pour le certificat médical, mon rythme cardiaque est de 3% à 4% au dessus de la norme de mon âge. Et même si je pousse, je monte à +10%. En fait, je suis plus musclé maintenant que je ne l’étais lorsque j’étais jeune. Quand j’encadre, je suis limité à 20 mètres. Sinon, je descends couramment à 40, 50 mètres. C’est mal vu mais je vais aussi à 60 mètres. En mer, et non en lac, ces profondeurs sont normales pour moi. Ma dernière plongée à 40 mètres remonte à deux ans et demi. Je peux répondre à un docteur « foutaises, tu m’enquiquines ».

• Vous pensez que vous pouvez vous permettre d’en sourire parce que vous êtes moniteur et que vous êtes très entrainé ? Moi je vais vous dire, fédéralement parlant, je ne suis pas un très bon élève ! Je suis extrêmement prudent et je nage beaucoup. Comme je fais beaucoup d’encadrement dans mon club et que du coup je faisais beaucoup trop de plongées par jour, on m’a obligé à plonger au nitrox. Sauf que ça me limite en profondeur. Non, non, en nitrox, mon ordi reste bloqué sur nitrox pas sur air. En croisière, je suis très attentif à ma condition physique et je plonge chaque jour en fonction.

• Pourquoi ce surnom de maître Yoda ?  Ce sont mes élèves qui me l’ont donné parce qu’ils disent que je parviens à les pousser au maximum, que je suis expérimenté et puis à cause de mon grand âge.

Note : 2019 – des petits soucis de santé ont empêché Jean Boisot de renouveler sa licence et de continuer à plonger. Il garde cependant un oeil attentif sur son club et reste en lien étroit avec ses amis.

L’avis des agences de voyages

Chaque grosse agence de voyages compte plusieurs grands seniors fidèles. Les agences les considèrent comme très responsables, particulièrement courtois, des plongeurs bien trempés. Ils connaissent leurs limites et savent plonger à leur rythme. Ils ont le temps de partir loin et longtemps.

Quelques chiffres

La Fédération a réfléchi à l’arrivée nouvelle des seniors et a crée des formations spéciales à destination des moniteurs. Quelques chiffres sur environ 150 000 licenciés français :

• 2012 : 7 900 plongeurs entre 61 et 75 ans ; 412 plongeurs de plus de 75 ans ;

• 2018 : 12 793 plongeurs entre 61 et 75 ans ; 789 plongeurs de plus de 75 ans.

Tous les plongeurs ne sont pas licenciés. On peut donc estimer le nombre des plus de 75 ans à 1 500.

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Sources :

• Journaliste : Anne Riou, SUBAQUA  n°284 de Mai-Juin 2019

« Physiologie et médecine de la plongée » – 2ème édition. Coordonnateurs B. Broussolle et J.L Méliet. Éditions Ellipes 2006.

« La plongée sous-marine : l’adaptation de l’organisme et ses limites » – P. Foster. Éditions EDP sciences 2011.

« Coeur et plongée » – Coordination V. Lafay. Éditions Ellipes, 2017.