Les journées s’allongent, notre rythme de vie s’accélère. Offrons-nous un moment de repos salvateur pour nous recharger en énergie et en bonne humeur. Dans un hamac, un lit ou derrière le bureau, faisons comme les romains : cultivons l’art de la sieste !
« Séparé du monde, on est mieux que bien : on n’est presque rien du tout » écrit Philippe Delerm dans La sieste assassinée. Confortablement installé, dans un hamac à l’ombre ou au fond de son lit derrière les persiennes fermées, apprenons à faire de cette méridienne un moment rien qu’à soi. Sans culpabilité, aucune. Lorsque le soleil est au zénith, la sieste est d’usage sur le pourtour méditerranéen et aussi en Asie, où dormir en public n’a rien de honteux. Chez nous, elle est associée à une perte de temps, suscite mépris et désintérêt – pour lutter contre la somnolence, rien de mieux que la machine à café, pense-t-on. « Alors que ce temps pour soi est une gourmandise qui a une valeur et pas de prix ! » s’exclame Thierry Paquot. En écrivant L’art de la sieste, ce philosophe et professeur à l’Institut d’Urbanisme de Paris a souhaité dénoncer le temps « plein » pour lui préférer « le vagabondage temporel avec ses pauses ». « Il s’agit de travailler mieux en harmonisant ses rythmes, défend-il. D’ailleurs, je ne cesse de rencontrer des lecteurs enthousiastes qui sont heureux de pouvoir avouer qu’ils siestent ! »
Chez les Romains, l’art de la sieste, du latin sexta, se pratiquait à la sixième heure, désignant ainsi le repos qui suivait le déjeuner. Les moines bénédictins avaient pour obligation de l’intégrer à leur emploi du temps. Les paysans, si bien représentés dans « La Méridienne de van Gogh » (1890), suivaient cette tradition lors des moissons. Nombreuses aussi sont les personnalités qui se sont accordées quotidiennement ce sommeil diurne : Napoléon, Victor Hugo, Winston Churchill, André Gide, Margaret Thatcher. Ou encore Jacques Chirac qui, en 1992, préfaçait l’ouvrage Eloge de la sieste de l’ingénieur Bruno Comby, l’un des premiers auteurs à lever ce tabou. « Comme il est maladroit de confondre sommeil et paresse ! » y affirmait alors le futur président de la République.
Un phénomène génétique
Un avis partagé par les spécialistes du sommeil : le besoin de dormir à la mi-journée est inhérent à notre organisme. « C’est un phénomène génétique, indépendant du repas, même si ce dernier favorise l’endormissement », explique Eric Mullens, médecin somnologue et auteur de Apprendre à faire la sieste. Notre corps sécrète des substances « hypnogènes » comme l’adénosine, une molécule se fixant sur les neurones pour induire une envie de dormir…qui ne disparaît qu’avec le sommeil.
« Il est d’autant plus essentiel de se reposer que les journées sont de plus en plus longues » insiste Eric Mullens. Parmi les nombreuses vertus de la sieste, il mentionne « la limitation des accidents cardiaques et des maladies cardio-vasculaires, du diabète ou encore de la prise de poids ainsi que des alternances d’humeur. » Faire la sieste augmenterait également de 20% la productivité. Et il est de notoriété publique que le secret numéro un d’un joli teint, c’est le sommeil.
En matière de durée, pas de règle. Quelques minutes suffisent souvent pour effacer stress et fatigue. Olivier Gautier, 56 ans, fondateur de la société de conseil Galaïte, a fait de cette parenthèse un véritable rituel. Sa recette : couper le téléphone, fermer la porte de son bureau et abaisser son siège. « Je fixe à chaque fois le même endroit, un mouillage paisible et calme dans une crique où somnole, immobile, une jolie barque de pêcheur aux couleurs lumineuses. Un paysage qui fait partie de moi depuis toujours. » Au bout de vingt minutes, sans réveil, cet expert en « conduite du changement » reprend ses activités, l’allure déterminée.
A l’instar des entreprises asiatiques qui mettent des salles de repos à la disposition de leurs employés, Anthony Bleton a introduit des poufs Fatboy au sein de l’agence web qu’il dirige, Novius. « Je me suis longtemps caché dans ma voiture avant d’assumer ce droit à la sieste et de convaincre mes salariés de faire de même » témoigne-t-il. Toutefois, tous n’y parviennent pas. « Parfois, des gens qu’on encourage à faire la sieste affirment ne pas avoir dormi alors qu’ils se sont en réalité assoupis au moins deux minutes sans s’en rendre compte, raconte Eric Mullens. D’autres, comme les hyperactifs, auraient besoin de ce sommeil, mais n’arrivent pas à se détendre. Il faut alors trouver des alternatives telles que la relaxation ou la méditation. »
Inutile donc de se forcer ! Mais, l’espace d’un court instant, mettre le quotidien entre parenthèses pourrait bien favoriser l’endormissement et, qui sait, entrainer le plaisir de suspendre le temps.
Comment réussir sa sieste
Parvenir à s’assoupir pendant un temps donné demande, au début, un peu d’entrainement.
- Isolez-vous dans un endroit tranquille, coupez le téléphone et réglez un réveil. Mettez éventuellement en route une ambiance sonore relaxante ;
- Retirez vos chaussures, desserrez vos vêtements ;
- Débutant ? Allongez-vous sur un lit et cherchez l’obscurité totale. Plus expérimenté, tout est permis, de la position assise du cocher de fiacre (la tête en avant et les coudes appuyés sur les genoux) à l’attitude nonchalante du travailleur avachi dans un fauteuil (les pieds sur la table) ;
- Côté température, évitez les extrêmes ;
- Ne vous forcez pas à dormir, mais essayez plutôt de vous reposer en respirant calmement et en ralentissant progressivement le rythme de vos pensées ;
- Une fois le réveil annoncé, reprenez doucement contact avec la réalité en étirant vos membres les uns après les autres. Et souriez !
Flash, relax ou royale ?
Sieste flash : d’une durée de 2 à 5 minutes, la sieste dite flash ou micro sieste est réservée aux champions du sommeil, capables de s’endormir en quelques secondes. Son plus célèbre représentant est Salvador Dali. Il s’assoupissait jusqu’à ce que la petite cuillère qu’il tenait dans une main finisse par tomber dans une assiette en étain.
Sieste relax : plus courante, la sieste relax mène au sommeil lent léger et nous recharge en énergie jusqu’au soir. Une seule condition : ne pas dépasser 30 minutes, au risque de se réveiller perturbé et d’empiéter sur une nuit réparatrice.
Sieste royale : Destinée aux personnes dormant peu la nuit, la sieste royale se rapproche du cycle de sommeil complet (90 minutes) qui réunit le sommeil lent profond (rétablissement physique) et le paradoxal (récupération psychique).